Elections législatives 2017: en finir avec le déni de démocratie en Amérique du Nord

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En finir avec le déni de démocratie en Amérique du Nord

Je déteste la “théorie de l’escalier(1)”… mais, il faut bien l’admettre: il aurait fallu que les députés des Français de l’étranger réagissent et constestent en justice l’arrêté ministériel de Jean-Marc Ayrault, Ministre des Affaires étrangères, du 17 mars 2017 suspendant le vote électronique dans les circonscriptions des Français établis hors de France pour les élections législatives de 2017…

Le délai de deux mois pour le contester à compter de sa date de publication étant échu, cet arrêté n’est plus contestable par les justiciables devant le Conseil constitutionnel qui a compétence juridictionnelle sur les élections législatives.

Par David Lawson, ancien candidat indépendant à l’élection législative 2017

Sans chercher à remettre en cause le résultat de l’élection législative de notre la 1ère circonscription des Français d’Amérique du Nord, qui me semble incontestable, j’ai donc demandé à mon conseil juridique d’étudier les possibilités de recours pour faire reconnaître que le droit de vote de quelque 35 000 de nos compatriotes avait été bafoué. Ceci devant renforcer mon action politique pour faire modifier les modalités des prochains scrutins dans les circonscriptions de l’étranger.

Les recours en annulation résultant de dysfonctionnements liés au vote électronique font l’objet d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui ne nous est pas favorable. En effet, la circonstance selon laquelle seuls quelque 3 850 (soit 10%) des électeurs ayant demandé à recevoir le matériel de vote permettant de voter par correspondance (39 000) ait effectivement voté par ce moyen n’est pas susceptible, à elle seule, de justifier une annulation du scrutin. Le juge électoral ne présume rien, et notamment pas que l’absence de vote de la part d’électeurs qui avaient pourtant accompli des premières démarches pour voter serait due à des problèmes organisationnels; il exige au contraire que l’auteur de la requête détaille et prouve la réalité des obstacles qu’ont pu rencontrer les électeurs abstentionnistes.

Le Conseil constitutionnel a cependant admis à plusieurs reprises, par le passé, et notamment dans des circonscriptions de Français établis hors de France, d’examiner le grief tiré de l’arrivée tardive des documents nécessaires au vote par correspondance. En revanche, il n’accepte d’annuler le scrutin sur ce fondement que si le retard a concerné un nombre significatif d’électeurs, en tout cas supérieur à l’écart de voix constaté entre les candidats dans l’élection concernée (ou, dans le cadre d’un premier tour, à l’écart entre les voix recueillies par le troisième candidat et le nombre de suffrages nécessaire pour accéder au second tour). Compte tenu des écarts entre les candidats au premier tour, il faudrait que des milliers de Français de la 1ère circonscription d’Amérique du Nord, n’ayant pu voter par correspondance, se manifestent avant mardi 27 juin 2017 (date butoir du délai de recours) et surtout puissent prouver qu’ils ont reçu le matériel électoral tardivement. Cette preuve est matériellement quasiment impossible à démontrer.

Sur la mise en cause éventuelle de la responsabilité de l’Etat devant le juge administratif, pour que la responsabilité de l’administration soit engagée, et qu’en conséquence le préjudice des électeurs privés de la capacité de voter soit réparé, le juge administratif exige un lien direct et certain entre la faute de l’administration et le dommage. Or, en l’espèce, dès lors que le code électoral prévoit que l’électeur qui a demandé à voter par correspondance peut toujours voter à l’urne ou par procuration, il est à craindre que juge considérerait que l’abstention de l’électeur ne résulte pas nécessairement directement du retard d’acheminement des plis.

En revanche, afin d’obtenir reconnaissance juridique du déni de démocratie imposé à des dizaines de milliers de nos compatriotes, le dysfonctionnement structurel du vote par correspondance par pli fermé peut être fustigé. J’ai donc saisi le Président du Conseil constitutionnel pour que, sans annuler l’élection, le Conseil constitutionnel, formule dans les observations générales sur le scrutin qu’il publie traditionnellement après chaque cycle de contentieux, des critiques sur la conjonction entre la suppression du vote électronique et le dysfonctionnement structurel du vote par correspondance observés dans notre circonscription au cours de cette élection. De telles observations si elles n’ont pas force contraignante pour le gouvernement, constitue un avis de nature à inciter ce dernier à rétablir le vote électronique ou à modifier les modalités du vote par correspondance pour les prochains scrutins, pour mettre un terme à son dysfonctionnement.

Le Conseil constitutionnel se prononcera sur tous les recours contentieux concernant ces dernières élections législatives avant de rendre ses observations générales. Il me parait improbable que le garant du droit électoral ignore le fait que tant de Français soient exclus du vote par correspondance pour du fait de modalités qui peuvent être facilement corrigées par le gouvernement.

Sur le plan politique, comme je l’avais promis durant ma campagne, j’ai saisi le Ministre de l’Intérieur pour lui demander de rétablir le vote électronique et de modifier les modalités de vote par correspondance des prochains scrutins législatifs dans les circonscriptions de l’étranger.

(1) Action consistant en descendant l’escalier pour quitter un lieu d’examen à énumérer tout ce qu’il aurait fallu dire et qu’il est naturellement une fois l’examen conclu trop tard pour corriger.  

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